Devenue française en 1841, rejointe par les autres îles des Comores à la fin du siècle dernier, l'île de Mayotte a fait partie de la colonie de Mayotte et dépendances, devenue en 1946 le territoire d'outre-mer des Comores.
Lors de la consultation organisée dans ce territoire le 23 décembre 1974 en application de l'article 53 de la Constitution, la population de Mayotte se prononça en faveur de son maintien dans la République française, tandis que les populations des trois autres îles choisissaient massivement l'indépendance.
A la suite de cette consultation et de la proclamation de l'indépendance des Comores par le conseil du Gouvernement le 6 juillet 1975, un projet de loi fut déposé afin de tirer les conséquences de cette situation. Ce texte est devenu la loi no 75-1337 du 31 décembre 1975.
L'article 1er prévoyait que la population de Mayotte serait appelée à se prononcer sur son appartenance au nouvel Etat comorien ou à la République française. Le 8 février 1976, l'indépendance était rejetée à la quasi-unanimité des votants.
L'article 3, déclaré conforme, comme le reste de la loi, par la décision no 75-59 DC du 30 décembre 1975, disposait qu'en cas de vote favorable au maintien dans la République, les Mahorais seraient interrogés sur le statut dont ils souhaiteraient être dotés. Le 11 avril 1976, ils se prononcèrent dans un sens défavorable au maintien du statut de territoire d'outre-mer.
La loi no 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte érigea alors Mayotte en collectivité territoriale sui generis, sur le fondement de l'article 72 de la Constitution. Elle consacrait cependant le caractère temporaire de ce régime en prévoyant qu'au terme d'un délai d'au moins trois ans, la population serait consultée sur un statut nouveau. Ce délai de mise en oeuvre fut prorogé de cinq ans par la loi no 79-1113 du 22 décembre 1979 relative à Mayotte, mais la consultation ainsi prévue n'a pas été organisée.
Sur la base des travaux de deux groupes de réflexion, composés des principaux élus de l'île, d'experts et de représentants de la société mahoraise, les discussions menées par le Gouvernement ont progressivement permis de rapprocher les points de vue et ont ainsi abouti à l'élaboration d'un document-cadre. Après avoir été approuvé le 28 décembre 1999 par le conseil général de Mayotte, par 14 voix sur 19, puis par les conseils municipaux de 16 communes sur 17, ce document a été signé le 27 janvier 2000 par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, au nom du Gouvernement, et par les dirigeants des trois partis politiques représentés au conseil général de Mayotte ainsi que par le président de ce dernier. Il a été publié au Journal officiel le 8 février 2000.
L'intervention de cet accord doit permettre de tenir l'engagement pris dès 1976 à l'égard de la population mahoraise, et renouvelé à plusieurs reprises depuis lors, de solliciter à nouveau son avis sur le statut de cette collectivité au sein de la République.
Tel est l'objet du projet de loi que le Gouvernement a déposé le 23 février 2000 sur le bureau du Sénat, et que celui-ci a adopté à une très large majorité le 23 mars suivant. Saisie à son tour, l'Assemblée nationale s'est également prononcée de manière très large en faveur de ce texte, qui a ainsi pu être adopté dans les mêmes termes, dès le 6 avril 2000.
Ce texte est cependant contesté par plus de soixante députés, qui en ont saisi le Conseil constitutionnel, en application de l'article 61 de la Constitution. Leur recours met en cause tant la possibilité même d'organiser une telle consultation que le libellé de la question posée et les modalités de la campagne organisée en vue de cette consultation.
Ces critiques appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur la possibilité de recueillir l'avis des habitants
d'une collectivité territoriale sur le statut de cette collectivité
A. - S'inspirant du précédent de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, et prenant la suite des dispositions, restées lettre morte, des lois du 24 décembre 1976 et du 22 décembre 1979, l'article 1er de la loi déférée prévoit l'organisation d'une consultation de la population mahoraise avant le 31 juillet 2000, afin qu'elle donne son avis sur l'accord sur l'avenir de Mayotte.
Pour contester, dans son principe même, l'organisation d'une telle consultation, les députés requérants relèvent qu'elle n'entre dans les prévisions ni de l'article 11 de la Constitution, ni de l'article 89, ni du troisième alinéa de l'article 53. Constatant ainsi qu'une telle hypothèse n'est pas expressément prévue par la Constitution, ils en déduisent que le législateur ne saurait être autorisé à demander à une partie de la population de se prononcer sur une évolution statutaire. Aux yeux des requérants, le principe même d'une telle consultation méconnaîtrait également l'article 72. Le choix ainsi fait par le législateur se heurterait en outre aux principes d'indivisibilité de la République et d'unicité du peuple français, en isolant une fraction de la population nationale.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que l'organisation d'une telle consultation ne contrevient nullement à la Constitution.
1. En premier lieu, et sur un plan général, l'on ne saurait tirer du silence de la Constitution sur une question déterminée la conclusion que seul le pouvoir constituant serait habilité à la traiter.
Comme le notait en effet le doyen Vedel (« Conseil constitutionnel et Conseil d'Etat », LGDJ - Montchrestien 1988, p. 233), « le vacuum juris n'existe pas au niveau constitutionnel (...) là où il n'y a pas de règle de droit constitutionnel, c'est que la matière n'est pas de niveau constitutionnel et revient au pouvoir législatif ou gouvernemental ». Il est clair que si la thèse inverse défendue par les députés requérants devait prévaloir, le pouvoir du Parlement de voter la loi s'en trouverait singulièrement amoindri.
En réalité, si l'existence, dans la Constitution, des articles 11, 53 et 89 n'est pas sans incidence sur le présent débat, leur prise en compte ne peut, pour autant, conforter la thèse de la saisine.
a) Il est certes exact que, si l'on met à part le cas particulier de la consultation instituée par l'article 76, dans la rédaction qui lui a été donnée par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, au profit de la population de Nouvelle-Calédonie, le texte fondamental ne prévoit que deux catégories de consultations populaires.
Il s'agit, d'abord, du référendum, qui constitue, aux termes de l'article 3 de la Constitution, l'un des modes d'expression de la souveraineté nationale. L'organisation d'un référendum, que ce soit sur le fondement de l'article 11 ou en application de l'article 89, suppose une décision préalable du Président de la République et, en vertu de l'article 60, l'intervention du Conseil constitutionnel qui veille à la régularité des opérations et en proclame les résultats.
La pratique constitutionnelle conduit, ensuite, à distinguer du référendum proprement dit la procédure fixée par le dernier alinéa de l'article 53 de la Constitution, qui prescrit de recueillir « le consentement des populations intéressées » avant toute cession, tout échange ou toute adjonction de territoire. Il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et notamment de la décision précitée du 30 décembre 1975, que la consultation prévue par cet article est requise, non seulement avant le vote d'une loi autorisant la ratification d'un engagement international emportant modification du territoire de la République, mais aussi en cas d'accession à l'indépendance.
Toutefois, et qu'il s'agisse du référendum ou d'une consultation organisée en application de l'article 53, ces consultations constitutionnelles ont néanmoins un point commun : c'est que leur résultat produit un effet juridique, direct ou indirect. Le référendum débouche sur l'adoption ou le rejet d'un texte de loi, loi constitutionnelle ou loi ordinaire selon les cas. Quant à la consultation prévue par l'article 53, si, selon la thèse exprimée par René Capitant en 1966 et sur laquelle le Gouvernement et le Parlement se sont toujours accordés, elle n'a pas par elle-même un effet législatif, elle n'en est pas moins un préalable constitutionnellement nécessaire à l'adoption de la loi entérinant la cession ou la sécession : elle fait obstacle à cette adoption si son résultat est négatif et elle constitue donc un élément de la procédure législative. Cette thèse a été entérinée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 décembre 1975.
La même observation vaut, au demeurant, pour la consultation particulière prévue par l'article 76 nouveau sur les dispositions de l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998. Il résulte en effet clairement de l'article 77 que l'adoption de la loi organique assurant la mise en oeuvre de cet accord aurait été impossible si la consultation n'avait pas été organisée ou si elle avait eu un résultat négatif. Cette consultation était donc, également, un élément de la procédure requise pour le vote de la loi organique.
Ce sont les effets juridiques ainsi attachés à ces différents cas de consultation qui justifient que leur existence soit prévue par la Constitution.
b) Tout autre est celle qu'organise la loi déférée, et qui n'invite les électeurs de la collectivité qu'à émettre un simple avis. C'est précisément parce qu'elle est d'une nature profondément différente des consultations prévues par la Constitution que le silence de celle-ci sur l'hypothèse en cause doit conduire, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à considérer que l'organisation d'une consultation par le législateur est toujours possible, en l'absence même de base constitutionnelle, dès lors qu'elle est conçue de telle sorte qu'elle n'emporte, par elle-même, aucun effet juridique, direct ou indirect.
Tel est bien le cas lorsque, comme en l'espèce, il apparaît clairement, non seulement que le résultat de la consultation ne lie pas le législateur quant à la teneur des dispositions qui pourront ensuite être prises - comme le souligne le terme « avis » figurant dans l'article 1er de la loi adoptée -, mais, en outre, que son organisation ne constitue pas un préalable obligatoire à l'intervention du législateur. On retrouve ici le principe, constamment admis en droit public, suivant lequel il est toujours possible de recourir à des consultations sur une question ou un texte dès lors qu'il n'est donné à celles-ci d'autre portée que l'expression d'un avis. C'est ce qui explique que nombre de textes législatifs ou même réglementaires ont prévu de soumettre les projets de loi intervenant dans telle ou telle matière à la consultation de divers organismes, sans que l'omission de consultation puisse être de nature à affecter la procédure à l'issue de laquelle la loi est effectivement adoptée.
Le silence de la Constitution sur ce point ne saurait donc faire obstacle à ce qu'il soit décidé, en opportunité, de recueillir l'avis de la population d'une collectivité sur une question qui la concerne spécialement.
2. En deuxième lieu, et pour les mêmes types de raisons, c'est également en vain que les députés requérants se prévalent de l'article 72 de la Constitution pour contester la possibilité de recueillir l'avis de la population concernée sur une question touchant à la libre administration des collectivités territoriales.
Sans doute peut-on déduire du deuxième alinéa de cet article , aux termes duquel « ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi », que la Constitution postule nécessairement, en cette matière, la démocratie représentative. C'est pourquoi le Conseil d'Etat avait estimé, dans un avis no 323933 du 14 décembre 1978, qu'un texte « prévoyant la possibilité d'un transfert aux électeurs de la commune, consultés par référendum, de la compétence réservée au conseil municipal pour "régler par ses délibérations les affaires de la commune" ferait échec au principe posé par l'article 72 de la Constitution ».
Mais précisément, c'est en fonction de la même analyse qu'ont pu, au contraire, être approuvées les dispositions de la loi du 6 février 1992, aujourd'hui reprises aux articles L. 2142-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, qui permettent aux autorités municipales, avant de prendre une décision, d'interroger, à titre purement consultatif, les électeurs de la commune. Pour lever toute ambiguïté au regard du principe qui se déduit du deuxième alinéa de l'article 72, l'article L. 2142-2 fait obligation au conseil municipal d'indiquer expressément dans la délibération qui décide la consultation que celle-ci n'est qu'une demande d'avis.
Or, le texte déféré ne s'expose pas plus aux critiques tirées de l'article 72 qu'à celles déduites de l'existence, dans la Constitution, des référendums définis par les articles 11 et 89 et des consultations sur l'autodétermination prévues par l'article 53. Au cas particulier, le législateur a bien pris soin de ne conférer à la consultation de la population de Mayotte qu'une portée purement indicative : aux termes de l'article 1er de la loi, les électeurs de Mayotte sont invités à donner leur avis sur l'accord sur l'avenir de Mayotte signé à Paris le 27 janvier 2000. Cette rédaction est sans ambiguïté : elle ne substitue pas les électeurs mahorais aux pouvoirs publics constitutionnels pour l'adoption du futur statut de Mayotte ; elle se borne à organiser une procédure destinée à recueillir leur avis sur un accord conclu entre le Gouvernement et des organisations politiques locales en vue d'une évolution statutaire ultérieure qu'il incombera, le cas échéant, au Parlement de définir.
En résumé, la Constitution ne traite que de l'équilibre entre démocratie directe et démocratie représentative dans la dévolution d'un pouvoir de décision : les articles 11, 53 et 89 traitent des cas dans lesquels une consultation populaire peut avoir un effet juridique et affecter la procédure législative ; l'article 72 exclut que les décisions intéressant la vie d'une collectivité locale puissent être directement prises par les électeurs. Le texte fondamental ne fait, en revanche, nullement obstacle à ce que le législateur décide soit de manière permanente comme le font les articles L. 2142-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, soit de manière ponctuelle comme en l'espèce, de recueillir l'avis des électeurs sur une question les concernant. Autrement dit, la Constitution ne saurait être interprétée comme interdisant une telle consultation, dès lors que celle-ci ne conduit aucunement à déposséder les pouvoirs publics constitutionnels de leurs attributions.
Dès lors le législateur pouvait, en usant de son pouvoir général d'appréciation et sans porter atteinte à aucune des dispositions de la Constitution, organiser une procédure de consultation pour avis des électeurs de Mayotte sur l'évolution institutionnelle de cette collectivité.
3. En troisième lieu, une telle procédure ne porte pas davantage atteinte aux principes d'indivisibilité de la République et d'unité du peuple français.
Ces principes ne sont, en effet, nullement en cause, dès lors que la consultation organisée par la loi déférée revêt une portée purement indicative ; elle n'a aucunement pour effet de transférer à une section du peuple français - en l'espèce les électeurs inscrits sur les listes électorales à Mayotte - le pouvoir d'adopter un texte de nature législative. Il est simplement prévu de leur demander leur avis sur un accord les concernant directement.
II. - Sur la conformité à la Constitution de la question posée
A. - Comme il a été précisé plus haut, c'est sur les orientations définies dans l'accord sur l'avenir de Mayotte que l'avis des électeurs de cette collectivité sera recueilli. L'article 3 de la loi adoptée précise que les électeurs auront à répondre par « oui » ou par « non » à la question de savoir s'ils approuvent cet accord.
Pour contester la question ainsi définie, les députés requérants font valoir le caractère selon eux équivoque, tant de la nature que de la valeur juridique de cet accord : dans le cas où une valeur législative lui serait reconnue, les règles relatives à la procédure parlementaire auraient été méconnues en l'absence d'adoption régulière de ce texte ; dans le cas contraire, la loi serait entachée d'« incompétence négative » faute, pour le législateur, d'avoir précisé la portée de la notion de « collectivité départementale ».
Les auteurs du recours mettent également en cause le libellé de la question au regard des principes de loyauté et de clarté dégagés par la jurisprudence. Ils estiment qu'en raison notamment de la complexité des termes employés dans l'accord, les électeurs ne seront pas en mesure d'apprécier les conséquences d'un vote positif ou négatif. Ils ajoutent que tant le processus d'élaboration et de signature de l'accord que le qualificatif « départemental » qu'il emploie présentent un caractère de déloyauté.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
On rappellera d'abord que si la décision no 87-226 DC du 2 juin 1987 a admis, dans son principe, la possibilité de consulter la population intéressée sur un statut, le Conseil constitutionnel a considéré qu'en l'espèce la question posée ne satisfaisait pas à la double exigence de clarté et de loyauté de la consultation : cette question était en effet confondue, dans une interrogation unique, avec une autre qui, elle, était posée aux électeurs de la Nouvelle-Calédonie en application du dernier alinéa de l'article 53.
Rien de tel ne peut être reproché à la loi déférée, qui ne procède nullement de cet article et se borne à poser aux électeurs une question claire sur l'évolution institutionnelle de Mayotte.
1. Contrairement, en effet, à ce qui est soutenu par les auteurs de la saisine, l'accord du 27 janvier ne comporte aucune ambiguïté : il énonce des orientations simples, compréhensibles par l'électeur, dont le choix sera éclairé par le débat auquel prendront part les formations politiques locales. D'ores et déjà, les formations politiques, qu'elles soient ou non favorables à l'accord, ont commencé une campagne d'explication dans les communes de l'île. En outre, la campagne officielle prévue par la loi permettra de compléter l'information des électeurs.
Il est dès à présent bien établi que les orientations sur lesquelles repose l'accord du 27 janvier 2000 dessinent pour Mayotte une organisation institutionnelle rénovée, qui se rapprochera du statut départemental (points I et II-1 et 4 de l'accord). Il est tout aussi clair que cette évolution ne conduira ni au maintien du statut actuel, issu de la loi du 24 décembre 1976, ni à la création d'un département, ne serait-ce qu'en raison d'un dispositif aménageant le passage progressif de la spécialité législative à l'identité législative (point II-4 de l'accord).
2. Le moyen tiré du manque de loyauté de la consultation ne peut davantage être retenu. Le choix offert aux électeurs de Mayotte ne saurait être qualifié de « déloyal » au motif que le législateur - qui ne peut lui-même se lier - a décidé de ne pas maintenir les options prévues par les lois de 1976 et 1979, dont on sait que le caractère irréaliste a empêché d'organiser la consultation qu'elles prévoyaient. Les obstacles de nature économique, sociale et culturelle qui s'opposent à une départementalisation immédiate de Mayotte ne permettent pas, aujourd'hui, d'offrir cette option à la population de l'île. Il eût été déloyal de demander aux électeurs mahorais de se prononcer sur un statut départemental qui aurait été vidé de son sens par les nombreuses exceptions et dérogations dont ce statut eût dû être assorti.
3. Il est d'autant plus exclu que les électeurs soient induits en erreur quant à la portée de leur vote que le législateur s'est précisément gardé de prévoir leur consultation sur un projet de texte : le fait que les termes de l'accord expriment de simples orientations et renvoie à plusieurs reprises à une loi future montre bien qu'il n'est pas demandé à la population de Mayotte d'adopter un texte que le législateur n'aurait plus qu'à entériner, mais seulement de donner un avis sur des orientations dont il n'appartiendra ensuite qu'au Parlement de décider comment il entendra les traduire dans un nouveau statut.
Soucieux qu'aucune ambiguïté ne puisse exister à cet égard, le Gouvernement envisage d'ailleurs d'insérer, dans le décret dont l'intervention est prévue par l'article 10, un dispositif assurant une information effective des électeurs sur le caractère purement consultatif du vote qu'il leur sera demandé d'exprimer.
Enfin, il convient de souligner que, dès lors que la question ainsi posée ne concerne en rien la procédure législative et que la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet d'adopter l'accord sur l'avenir de Mayotte, le moyen que les requérants tirent d'une « incompétence négative » du législateur est inopérant.
III. - Sur le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité
et à la liberté d'expression
A. - Les articles 5 et suivants de la loi déférée définissent les principes d'organisation de la consultation. Le 1o de l'article 6 charge en particulier la commission de contrôle, dont la création est prévue par l'article 5, « de dresser la liste des partis et groupements politiques habilités à participer à la campagne en raison de leur représentation parmi les parlementaires et les conseillers généraux élus à Mayotte ». L'article 7 prévoit que cette commission répartira la durée des émissions radiodiffusées et télévisées consacrées à la campagne, entre les mêmes formations.
Aux yeux des requérants, le législateur aurait, ce faisant, porté atteinte à la liberté des expressions des formations politiques dépourvues d'élus au Parlement et au conseil général et méconnu l'article 4 de la Constitution, selon lequel « les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage ».
B. - Cette argumentation ne peut être accueillie.
1. En premier lieu, la loi déférée ne porte aucunement atteinte à la liberté d'expression : les organisations politiques qui ne remplissent pas les conditions de représentation au Parlement ou au conseil général de Mayotte pour participer à la campagne officielle pourront naturellement faire campagne par tous les moyens légaux : réunions publiques, distributions de documents écrits, etc. Le moyen tiré d'une atteinte à la liberté d'expression manque donc en fait.
2. En second lieu, on peut douter qu'eu égard à son caractère purement consultatif la procédure organisée par la loi corresponde à la notion d'expression du suffrage, au sens de l'article 4 de la Constitution. En tout état de cause, les principes posés cet article ne sont pas méconnus.
Il est en effet loisible au législateur d'organiser une campagne officielle sur les antennes du service public de la communication audiovisuelle, ouverte aux partis et groupements remplissant certaines conditions. Sous la Ve République, la pratique suivie à l'occasion de la campagne pour les référendums a toujours consisté à réserver l'accès à la campagne officielle aux seuls partis remplissant certains critères de représentativité, comme la représentation au Parlement ou l'obtention d'un certain pourcentage des suffrages lors de la consultation électorale la plus récente (élections législatives pour le référendum du 6 novembre 1988, élections régionales pour celui du 20 septembre 1992).
En prévoyant que pourront seules participer à la campagne officielle les organisations politiques auxquelles déclareront se rattacher les parlementaires et les conseillers généraux de Mayotte, le législateur a utilisé un critère objectif et rationnel au regard des objectifs de la loi : permettre aux partis et groupements disposant d'élus à Mayotte d'assurer une information libre et pluraliste des électeurs sur la portée de la consultation.
*
* *
En définitive, le Gouvernement considère qu'aucun des griefs invoqués n'est de nature à justifier une censure du texte contesté. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter le recours dont il est saisi.